L'algue fabuleuse de Saussignac (22)
Depuis le printemps, Chris Pressoir cultive la spiruline, une algue bleu-vert aux mille vertus.
Source : Sud Ouest 28 octobre 2010 par PAULINE PIERRI
Altitude 139 mètres. Vue sublime sur les coteaux striés de vignes qui courent vers l'horizon de forêts. Installé sur les hauteurs de Saussignac, en Bergeracois, Chris Pressoir, 46 ans, a tourné le dos à une carrière commerciale pour vivre plus près de la nature, en famille et surtout en accord avec lui-même.
Il a créé une ferme de spiruline. Les vertus de cette algue présente sur terre depuis plus de 3 milliards d'années étaient connues des Aztèques. Dans les années 1970, intrigués par la bonne santé des populations riveraines du lac Tchad, alors que la famine régnait dans la région, les chercheurs ont redécouvert cette plante microscopique, alors consommée sous forme de galettes. Deux fois plus riche que le bœuf en protéines végétales, dix fois plus que le foie pour sa contenance en fer, bourrée de vitamines A et B, elle a aussi des vertus détoxifiantes. Une manne pour les personnes anémiées, les végétariens ou a contrario pour ceux qui mangent peu de légumes.
Des soins attentifs
« J'avais à la base une formation agricole, et j'ai été paysagiste quelques années, raconte Chris Pressoir. La culture de la spiruline, aux vertus nutritionnelles multiples et reconnues, me convenait donc parfaitement. L'aspect novateur aussi était séduisant. » Son diplôme agricole en poche, ce Périgourdin d'origine a suivi une formation à l'institut spécialisé d'Hyères, dans le Var, et effectué des stages chez les précurseurs.
« Ce n'est pas très compliqué, mais c'est plus de la biologie que de la culture. En hiver, à 20°, elle s'endormira en attendant les beaux jours. Dans de bonnes conditions climatiques, maintenue entre 32 et 37°, la spiruline peut doubler sa masse en une semaine. Mais à 40°, elle meurt subitement. Sa culture demande donc une surveillance constante et des contrôles quotidiens. »
Sous une vaste serre protégée du vent par une digue, Chris a aménagé quatre longs bassins rectangulaires : 500 m2 de surface, 70 m3 d'eau. La couleur vert épinard intense signe la présence de la spiruline. Au microscope, elle révèle ses filaments de forme sinusoïdale : « On compte six à huit boucles lorsque l'algue est adulte. La récolte se fait par aspiration de l'eau, passée sur un tamis très fin. L'algue se présente alors sous forme d'un agglomérat de la consistance d'un fromage blanc. Après passage sous la presse, son aspect est un peu plus ferme », détaille le spirulier. D'un pressoir à saucisses, il sort ensuite l'algue qui se présente alors comme des spaghettis.
Inventer les outils
La dernière étape est le séchage. Comme pour tout le matériel utilisé pour cette culture encore expérimentale, le spirulier a « bricolé » l'équipement nécessaire, à énergie solaire : une serre spécifique, d'où la chaleur (de 40 à 53°) est aspirée par deux conduites d'eau potable et répartie dans la pièce des claies par une batterie de ventilateurs soigneusement disposés.
« Ce séchage doux, dans l'obscurité, préserve les propriétés de l'algue, et notamment ses vitamines. » Conditionnée en paillettes, la spiruline se consomme à très petites doses, avec un fruit, un yaourt ou comme une herbe aromatique.
Après le salon Vivexpo à Bordeaux, Chris Pressoir se déplace sur les marchés et monte son site Internet. Pour la vente directe. Le Périgord avait son vin, son foie gras. Il a désormais son algue énergisante.